SHIRLEY MANSON

Retour sur deux décennies de pop électrisante avec Shirley Manson, chanteuse iconique des Garbage et ancienne ambassadrice VIVA GLAM.

Dans Beauté signée, les visages les plus marquants de la mode et de la culture dévoilent, avec leurs propres mots, leur interprétation de la beauté

Leader du groupe de pop alternative Garbage, Shirley Manson débarque sur la scène publique en 1995 avec la sortie de leur album éponyme. Butch Vig, producteur de l'énorme Nevermind de Nirvana, la contacte pour une collaboration unique sur un projet musical spécifique. Peu de temps après, la belle d'Edimbourg devient membre permanent du groupe. En octobre 2015, Garbage donnait le coup d'envoi de 20 Years Queer, tournée célébrant les 20 ans de ce premier album et baptisée en clin d'œil à son premier single Queer.

Savant mélange d'éléments de genres allant du punk au hip-hop, la pop unique de Garbage a contribué à définir la musique du milieu des années 1990, les textes de Shirley émanant souvent de la facette la plus sombre de son être. Mais le groupe ne s'est pas contenté de repousser les frontières du son, il s'est aussi imposé en pionnier de l'image. Quand la plupart des chanteuses s'affichaient en chemises tartan et pantalons déchirés, Shirley arborait des silhouettes des années 1960 agrémentées d'un twist coquin – minirobes en PVC, plumes, latex, et son éblouissante crinière rousse signature. Cette esthétique, M·A·C l'a saluée en 2002 en invitant Shirley à rejoindre les rangs des ambassadrices VIVA GLAM. Franche et pertinente, Shirley demeure une vraie iconoclaste. 

« Ça fait drôle de regarder en arrière parce ça fait 20 ans que Garbage est sorti et je repense beaucoup à cette époque. Je me revois observer la culture rock alternative réfléchie de Kylie – à son époque "indie Kylie". Et je me souviens que je trouvais ça intéressant ce qu'elle faisait, de piocher des éléments dans une culture pour les plonger dans un contexte mainstream, puis inversement... »

« Je me suis approprié une culture pop passée au filtre de l'alternatif. Toutes les filles qui faisaient de l'alternatif à cette époque portaient des chemises en flanelle, des pantalons et des Dr. Martens et étaient dans l'agressivité.  Je voulais me démarquer... Il y a beaucoup de monde sur cette terre et, si on ne se démarque pas, on passe à l'as. Je suis partie complètement à contre-courant – j'adorais le maquillage, je portais des minijupes et des minirobes. On a travaillé avec des photographes de mode et vidéastes incroyables. Le grand public nous adorait, ils se sont rués sur nous. J'étais la it-girl ! Je trustais les couvertures de tous les magazines influents – une attaque médiatique rangée. 

« J'adorais le maquillage, je portais des minijupes et des minirobes... J'étais la it-girl ! Je trustais les couvertures de tous les magazines influents. »

« On a souvent l'impression que les artistes d'aujourd'hui nous sont servis sur un plateau. On voit clairement que leur image a été archi travaillée : ils portent la bonne coiffure, le bon maquillage et les bonnes tenues. Il n'y a pas de doute, c'est trop parfait. Ça sent l'arnaque. Tout est uniformisé. Orwell l'avait écrit, on le vit aujourd'hui – l'originalité se fait de plus en plus rare... Mais je pense que ça va changer ! J'ai comme l'impression que les gens ont soif de culture, et ça fait bien dix ans que je n'avais pas ressenti ça. Franchement, ça ne serait pas rafraîchissant de voir arriver une femme qui n'a pas l'air d'être passée par la moulinette de la beauté uniformisée ? Tout ça a l'air tellement... industrialisé. »

« C'est amusant mais, quand j'ai vu Miley Cyrus débarquer, ça m'a fait penser à moi. Elle aborde certaines situations de la même façon que moi – je passais mon temps à m’agripper les seins et à sortir ma langue, à lever mon t-shirt pour faire rire les gars quand la personne avec qui on était en rendez-vous avait le dos tourné. Je n'avais vraiment aucune idée de ce qui me poussait à agir comme ça, jusqu'à ce que j'entende Miley Cyrus en parler de façon extrêmement sensée. Pour elle, toutes les attitudes type des femmes dans notre société ont quelque chose de dégradant, d'extrêmement caricatural et de sexuellement provocant. Et elle ne voulait pas être associée à ça. »

« Je comprenais le pouvoir incroyable de la sexualité féminine et je voulais en user prudemment, en même temps que la détourner. »

« Je pense que j'avais cette même mentalité, mais que je ne voulais pas me prendre trop au sérieux. Je comprenais le pouvoir incroyable de la sexualité féminine et je voulais en user prudemment, en même temps que la détourner. En les rejetant, je pouvais m'affranchir de toutes les attentes qui pèsent sur la sexualité féminine et ainsi m'extraire de tout jugement. Si je ne pouvais être jugée, je ne pouvais être mise en cage, et alors je pouvais être libre. Quelque part au fond de moi, j'avais compris ça. »

« Ça se retrouve chez certaines pop stars d'hier qui sont aujourd'hui incapables de se libérer de la cage dans laquelle la reconnaissance du public pour leur apparence les a enfermées.  Elles ne savent pas bien comment s'extirper de cette cage qui se transforme en véritable prison quand on est, quand on imagine être considérée uniquement pour son apparence. En vieillissant, la vitalité sexuelle – au sens traditionnel – s'essouffle, et avec elle une part d'appréciation qu'avait l'artiste de lui-même. Et je refuse de rentrer là-dedans. »"

« Patti Smith, Siouxsie Sioux et Chrissie Hynde étaient mes références. Elles m'ont appris à me protéger pour ne pas faire les frais des attentes complètement irréalistes que fait peser la société sur les femmes en ce qui concerne leur physique. On ne peut pas s'en remettre à ça. On peut en revanche s'en remettre à sa sagesse et à son expérience, être maître de son propre pouvoir sexuel – qui n'est pas celui qui consiste à être à la merci des voyeurs et des étrangers. Je suis très fière d'avoir 50 ans, d'être encore là aujourd'hui et de mener une vie absolument démente. Tant que les femmes ne se soulèveront pas en masse, elles seront complices de cette idée, elles se rangeront au fait que la valeur d'une femme se mesure à sa beauté. Et c'est faux. »